Socialisme puis dictature militaire de Pinochet

Le socialisme accède au pouvoir avant d’être renversé par le coup d’État de Pinochet

 

La présidence d’Eduardo Frei Montalva

Rencontre entre Frei et Nixon

Dans les années 1960 au Chili, il existe deux principales adhésions politiques : une gauche admirative des barbudos cubains, et une droite adhérente au franquisme espagnol qui se recentre vers la démocratie-chrétienne. Eduardo Frei Montalva, chef de cette deuxième mouvance, est élu en 1964 et répond aux revendications sociales pour une meilleure répartition des terres par une réforme agraire. De plus, il fait de l’État chilien le premier actionnaire des mines de cuivre du pays, et rédige une constitution progressiste. Les latifundistes (grands propriétaires terriens) et les militaires dont Roberto Viaux s’insurgent en 1969.

 

L’élection du socialiste Salvador Allende

Salvador Allende

Les élections de 1970 sont agitées et de nombreux partis se présentent. C’est Salvador Allende qui les remporte sans majorité absolue, représentant une coalition de gauches. Le Congrès résiste un temps à le désigner président mais le danger d’un coup d’État d’extrême-droite se fait sentir lorsqu’un groupe de cette mouvance assassine le chef de l’armée de terre en voulant faire pression pour qu’Allende n’accède pas au pouvoir. Les États-Unis aussi provoquent un désordre social visant à empêcher Allende sous la forme d’un chantage à la guerre civile. Au Congrès, la démocratie chrétienne accepte de s’allier à la gauche et Allende devient président.

 

La politique socialiste d’Allende lui crée des ennemis de taille

Allende et ses ministres

Allende mène une politique socialiste : il nationalise 60% des terres agricoles et donne plus de six millions d’hectares à des centaines de milliers de familles paysannes[i]. L’État récupère les secteurs monopolistiques (textile, ciment, banques, téléphonie) et nationalise 80% de l’industrie dont les gisements de cuivre. Il relance les relations diplomatiques avec Cuba et le Mexique. En résulte une baisse du chômage et de meilleures conditions de vie et de logement, mais un PNB qui chute de 25%. Les latifundistes et les Étatsuniens perdent de gros intérêts par ces réformes, c’est pourquoi les capitaux fuient le pays et les États-Unis essayent d’imposer un embargo mondial sur le cuivre chilien. Plusieurs documents officiels aujourd’hui révélés[ii] montrent que la CIA aide à la préparation d’un coup d’État, d’abord en finançant le mouvement de grève des chauffeurs routiers d’octobre 1972 contre la nationalisation des transports publics, rejoints par des médecins et commerçants. Allende nomme le chef des armées, le général Prats ministre pour donner des gages à la droite. Il est largement réélu en 1973 avec une Union populaire. La CIA échoue au renversement de l’État une deuxième fois le 29 juin 1973, lors du Tancazo, où les chars qui tentent de prendre le palais de la Moneda sont arrêtés par Prats. Mais celui-ci démissionne et Allende doit le remplacer par le général Pinochet.

 

Le coup d’État militaire

Une du coup d'État du 11 septembre 1973

Le 11 septembre 1973, la CIA permet à l’armée de l’air d’Augusto Pinochet de bombarder le palais de La Moneda et de contrôler la ville avec les chars. Allende refuse de démissionner bien que coincé dans le palais en ruines. Armé, il se défend avant de se suicider avec l’espoir que son sacrifice aidera à la sanction de cette attaque. Une junte militaire prend le pouvoir comprenant tous les chefs des armées et de la police.

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La dictature et sa violence d’État

Illustration des tortures de prisonniers politiques

Pinochet dissout le Congrès national et rend illégaux tous les mouvements de gauche (les dirigeants de l’Unité populaire et syndicaux sont emprisonnés et la démocratie chrétienne mise en sommeil). La dictature crée des camps de concentration, comme au stade national de Santiago où l’on torture et exécute, pour purger la société des communistes. 300 000 personnes sont arrêtées et des colonies pénitentiaires pour les opposants politiques ouvrent dans les régions isolées[iii].

De nombreux chercheurs[iv] démontrent que la dictature de Pinochet applique directement les directives d’une élite économique de technocrates immigrés des États-Unis (surnommés les « Chicago Boys ») qui transforment le pays en laboratoire de l’ultralibéralisme, par l’application des théories économiques néoclassiques de Milton Friedman. Les dépenses publiques diminuent de 20%, un tiers des fonctionnaires sont licenciés, tous les secteurs économiques sont privatisés et vendus aux investisseurs étrangers. Les latifundistes reprennent les terres aux paysans. Les résultats de cette politique économique font débat, l’étude de la CNUCED[v] nuançant ce qui a longtemps été pensé comme un « miracle » de réussite économique. En effet, les chiffres des Nations Unies démontrent que l’économie ne connaît pas de grand bond, précisant que le taux de croissance annuel moyen de 1973 à 1981 est de 2,6%, que la dette du pays passe de 5,9 milliards en 1977 à 15,7 milliards en 1981, et surtout que se produit une récession économique à l’échelle nationale en 1982, avec un PIB qui chute de 14,1% et un taux de chômage avoisinant les 20% cette année-là.

L’opération Condor[vi], pensée par Pinochet, débute en 1975. Il s’agit d’une alliance, d’une mise en réseau entre les dictatures du Chili, de l’Argentine, du Brésil, de l’Uruguay et du Paraguay pour unir leurs forces militaires et de renseignement dans la recherche et l’assassinat des opposants aux régimes. Le nombre de victimes est difficile à évaluer mais des recherches en dénombrent plusieurs dizaines de milliers.

 

Le dictateur Pinochet au pouvoir

Augusto Pinochet © AFP

Pinochet est le chef incontesté de cette dictature, il est nommé chef suprême de la nation en juin 1974 et s’autoproclame président en décembre de la même année. Il s’appuie sur la police secrète de l’État, la DINA. Mais l’ONU et Amnesty International se font les échos des dénonciations de cette dictature sanglante, Pinochet est donc forcé à rédiger une nouvelle constitution simulant une issue démocratique puisqu’elle pose que 10 ans plus tard, le président du Chili sera élu démocratiquement. En revanche aucun changement n’est prévu pour le législatif qui n’est plus composé que d’un Sénat où les sénateurs sont choisis par Pinochet et bénéficient d’une immunité judiciaire totale (c’est le cas jusqu’à la fin du siècle). Par ailleurs, Augusto Pinochet se donne le bénéfice de l’inamovibilité au poste de chef de l’armée de terre jusqu’en 1997. Le 11 septembre 1980, 67% des Chiliens acceptent la constitution lors d’un référendum.

 

La contestation finit par déboucher sur le référendum de 1988

Logo de campagne du NO

L’opposition est très affaiblie mais des contestations perdurent dans une économie mal en point. Plusieurs protestations publiques marquent 1983 et des membres de l’Église révèlent les meurtres de l’État lors de la visite de Jean Paul II au Chili en 1987. La même année, les États-Unis décident d’arrêter le traitement favorable qu’ils offrent au Chili et par conséquent cessent leur préférence commerciale avec le pays. Pinochet est inquiet, il organise un référendum plébiscite en 1988 pour éviter de perdre le pouvoir lors des élections présidentielles de 1990. Il demande aux Chiliens s’ils souhaitent qu’il dirige le pays encore 8 ans ou non, et par la pression de la presse internationale, la dictature laisse un espace télévisé de 15 minutes quotidiennes aux défenseurs du « No ». C’est finalement cette seconde option qui l’emporte avec 54,71 % des suffrages exprimés.

 

[i] GONZÁLEZ, Felipe and VIAL, Felipe, 2021. Collective Action and Policy Implementation: Evidence from Salvador Allende’s Expropriations. The Journal of Economic History. 2021. Vol. 81, n° 2pp. 405–440. DOI 10.1017/S0022050721000152.

[ii] SIGMUND, Paul E. The CIA in Chile. Worldview, 1976, vol. 19, no 4, p. 11-17.
HASLAM, Jonathan. The Nixon administration and the death of Allende’s Chile: a case of assisted suicide. Verso, 2005.

[iii] FREIRE, Danilo, MEADOWCROFT, John, SKARBEK, David, et al. Deaths and disappearances in the Pinochet regime: A new dataset. Preprint, SocArXiv, 2019.

[iv] IHL Olivier, « Objetividad de Estado. Sur la science de gouvernement des Chicago Boys dans le Chili de Pinochet », Revue internationale de politique comparée, 2012/3 (Vol. 19), p. 67-88.

FISCHER, Karin. The Influence of Neoliberals in Chile before, during, and after Pinochet. The road from Mont Pèlerin : The making of the neoliberal thought collective, 2009, p. 305-346.

ROMO Hector Guillén, « De Chicago à Santiago : le modèle économique chilien », Revue internationale et stratégique, 2013/3 (n° 91), p. 107-115.

[v] CNUCED (1992), Trade Liberalization in Chile: Experiences and Prospects, New York, Trade Policy Series no.1, United Nations.

[vi] PETIT, Cécile. L’Opération Condor dans 99% asesinado de Pablo Vierci. América. Cahiers du CRICCAL, 2010, vol. 39, no 1, p. 117-123.

 

Période historique suivante : un lent retour à la démocratie

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