4 avril 2024
Ce joyau de l’Araucanie est l’un des parcs les plus visités du Chili. Bien qu’encore peu connu du public international, il est une véritable destination pour les amateurs de randonnées. Les sentiers du Parc National de Conguillío se détachent des circuits classiques tout en étant accessibles à tous. En langue Mapuche, « Ko-nquilli » se traduit par « pignons dans l’eau » en référence à l’abondance des fruits comestibles propres aux araucarias, des lacs et des lagunes qui participent ensemble à la singularité des paysages du parc.
Sous une douce lumière estivale, nous atterrissons de bon matin à l’aéroport d’Araucanía situé au sud de la ville de Temuco. Sac de randonnée sur le dos, nous sautons dans le premier bus en direction du Parc National Conguillío. Ce dernier s’étend sur une superficie totale de près de 61 milles hectares. Il est le fruit d’une union datant de 1987 qui rassemblait à l’origine deux parcs distincts : le Parc National Conguillío et le Parc National Los Paraguas. Quelques années auparavant, en 1983, Conguillío avait été nominé Réserve de la biosphère Araucarias.
Après 2 heures de route environ, nous arrivons à notre destination du week-end. Le parc englobe plusieurs communes de la province de Malleco et de Cautín. L’entrée nord passe par le village de Curacautín, mais nous y accédons aujourd’hui par l’entrée sud, au sein de la commune de Melipeuco, située à 30km de la base du parc.
Le temps que chacun présente ses papiers et règle son entrée auprès des gardiens du site, nous nous dégourdissons les jambes quelques instants. Et nous avons l’agréable surprise de découvrir qu’à quelques pas de l’entrée se trouve déjà un premier sentier. Il s’agit de celui de « Truful-Truful », un petit circuit sous forme de boucle d’une vingtaine de minutes à pied pour aller à la rencontre d’une jolie cascade plongeant avec force et vélocité dans une vaste lagune. Face aux fortes températures estivales, voilà une bien agréable pause fraîcheur avant d’embarquer de nouveau à bord du véhicule.
Avant d’atteindre les forêts millénaires d’araucarias que nous devinons déjà au loin, nous pénétrons en premier lieu dans un paysage digne du temps des dinosaures. Et pour cause : nous progressons lentement dans l’un des derniers refuges au monde où ils auraient vécu. Conguillío sera d’ailleurs le protagoniste d’un épisode de la série documentaire « Walking with Dinosaurs » réalisée et filmée par la BBC en 1999.
Nous traversons ce paysage lunaire, presque chaotique dont le sable monochrome grisâtre et les champs noirs de basaltes n’annoncent rien d’engageant. Nous progressons lentement dans ce décor, funeste résultat des précédentes éruptions volcaniques du volcan Llaima. Celui-ci se dresse fièrement tel un gardien du site. Du haut de ses 3.125 mètres, il est considéré comme l’un des volcans les plus actifs d’Amérique du Sud, sa dernière éruption date d’ailleurs de 2008. Plusieurs panneaux de part et d’autre du chemin indiquent les procédures à suivre dans le cas où notre protagoniste déciderait de se réveiller. Soudain, le chauffeur du bus jusque-là silencieux, s’improvise désormais guide local et s’arrête un instant. Face à nous, des empreintes fraîches sur le sable fin : nous nous trouvons sur l’une des voies de transition principales des pumas. Nous n’en verrons pas à ce moment-ci, mais nous reprenons la route avec l’espoir que cela ne soit que partie remise. Ces gros félins semblent finalement à portée de main.
Une fois dépassée la longue coulée de lave volcanique et les scories aux dimensions diverses, nous entrons dans la face « verso » du parc, celle où règne une abondante végétation arbustive et arborescente. Nous reconnaissons immédiatement l’Araucaria par sa silhouette particulière en forme de parapluie ou parasol au gré de la météo du jour.
Nous y découvrons également des Ñirres, Coihues, Lengas, Raulíes, Palos Santos et bien d’autres individus. Sur leurs troncs prend vie et les unit la « barba del viejo », un lichen vert pâle indice « d’air pur ». Quelques pics de Magellan s’invitent au tableau, facilement repérables par les sons émis lors de leurs travaux mais surtout par leurs têtes rouges tranchants dans ce camaïeu vert.
De nombreux sentiers de randonnée se dessinent de toutes parts de l’unique route du parc que nous traversons d’un bout à l’autre, du sud au nord. Nous repérons d’ores-et-déjà quelques accès car demain commencera notre exploration des lieux… à pied ! Pour l’heure, le sentier de la « Laguna Arco Iris » (la lagune arc-en-ciel), attire notre attention. Ses vives eaux cristallines de couleur turquoise sont elles-mêmes une invitation. Au cœur de celles-ci submergent des troncs d’arbres endémiques. Une pause d’environ 15 minutes est nécessaire pour profiter de cette jolie formation datant d’il y a plus de 300 ans à la suite d’une éruption volcanique du Llaima.
Après ce surprenant acheminement, nous descendons cette fois-ci définitivement du bus et décidons de profiter tranquillement de la plage de sable noir ainsi que de la petite cafétéria au bord du lac Conguillío, bière locale fraîche en main. En fin d’après-midi, nous mettons en place le hamac et la tente pour une première nuit sous un immense ciel dégagé et étoilé.
Réveillés par le chant des oiseaux, nous prenons un petit déjeuner sur le pouce afin d’arriver avant midi en haut du sentier « Sierra Nevada ». Il s’agit de la randonnée la plus connue mais aussi la plus « exigeante » du parc. Elle s’étend sur une dizaine de kilomètres pour environ 700 mètres de dénivelé positif. La marche débute au bord du lac Conguillío, dans le secteur de la « playa linda » (belle plage), à quelques pas de notre campement. Bien balisé, ce sentier attire de nombreuses familles chaque année. A la suite de 3 heures de temps passé à l’ombre des arbres, et après avoir profité de deux points de vue aussi beaux qu’inattendus – les miradors Conguillio (1km) et Los Condores (2,5km), nous voilà arrivés au sommet de la Sierra Nevada (6,1km), où règne un ciel totalement dégagé. Le bleu immaculé fait écho au lac Conguillío dans lequel il se reflète.
Nous surplombons désormais la cime des araucarias tout en faisant face au gigantesque Llaima et à ses pentes enneigées. Du haut de cette cordillère volcanique, nous apercevons en contre-bas les prémices du Río Blanco (rivière blanche), ainsi que le lac Conguillío d’où nous venons. Nous restons un moment face à cette carte postale à la fois unique et magnifique avant de rebrousser chemin par le même itinéraire, de belles images en tête.
Le lendemain, nous optons pour une découverte de plusieurs petits sentiers qui ne requièrent aucune difficulté apparente. Nous commençons par un chemin court et auto-guidé nommé « Las Araucarias ». Cette mise en bouche nous incite à poursuivre un peu plus loin pour aller à la rencontre de l’Araucaria Madre issu du sentier « Los Carpinteros ». Comme son nom l’indique, ce sentier est aussi un secteur intéressant pour les amateurs d’ornithologie. Bien que les carpinteros (pics) sont majoritaires, d’autres oiseaux y ont aussi élu domicile, essentiellement des espèces typiques des zones humides.
À seulement 45 minutes de marche à un rythme tranquille, nous rejoignons donc l’aïeule Araucaria qui n’aurait pas moins de 1.800 ans. Immanquable grâce à son imposant tronc de 2 mètres de diamètre, il sépare en deux parties égales le chemin pédestre. Nous tournons autour quelques minutes, tous deux impressionnés par le spécimen que ni le vent, ni la pluie, ni les tremblements de terre, ni les éruptions volcaniques ne sont parvenus à déloger.
Telles des poupées russes, un sentier en cache un autre. En prolongement du sentier « Los Carpinteros » se trouve celui de la « Laguna Captren ». Une nouvelle fois à l’ombre des araucarias, lengas et coigües, nous poursuivons notre marche jusqu’à rejoindre cette lagune. Sans quelconque difficulté, nous l’atteignons deux bonnes heures plus tard. En faisant son tour en moins d’une heure, nous découvrons avec surprise que le volcan Llaima est encore présent en toile de fond. A l’unanimité nous décidons de marquer l’arrêt « pique-nique » ici-même.
Nous pourrions poursuivre ainsi encore quelques jours à travers les 13 sentiers qu’offre le Parc National Conguillío. Et si nous avions eu une journée supplémentaire sur place, nous aurions volontiers effectué le sentier « Pastos blancos » afin d’approcher d’encore plus près le volcan Llaima. Le parc étant ouvert tout au long de l’année, nous savons par avance que nous y reviendrons sans nul doute à une autre occasion. Pourquoi pas à une époque différente de l’année afin de profiter des couleurs et des lumières d’une nouvelle saison. Mais pour l’heure, nous poursuivons l’aventure plus au Sud et rejoignons à la nuit tombée la ville de Pucón. En chemin, nous aurons la merveilleuse opportunité de partir en excursion guidée au cratère du Volcan Sollipulli au sein de la Réserve Nationale Villarrica.
Claire Gaudouin