29 juillet 2020
Le puma captive et fascine. Endémique du continent américain, il est le plus grand prédateur du Chili et d’Argentine. Chaque année, des centaines de personnes font le voyage jusqu’en Patagonie pour avoir une chance de l’apercevoir dans son habitat naturel. Des femmes et des hommes, passionnés par ce félin énigmatique, ont fait de l’étude de son comportement leur métier, afin d’être mieux à même de le protéger. Nous nous sommes rendues en Patagonie australe, sur les traces de l’animal le plus emblématique de cette terre sauvage, et à la rencontre des personnes qui agissent pour sa sauvegarde.
C’est lors de l’un de nos voyages de repérage en Patagonie australe que nous nous sommes mises, mes deux collègues et moi-même, sur les traces du puma. En Amérique, il est le plus gros félin vivant. On l’appelle aussi le « lion des montagnes » ou « lion américain ». Le Mapudungun (la langue mapuche) aussi a ses mots pour le désigner : « pangui » pour la femelle ou l’espèce en général, et « trapial » pour le mâle. Dans la culture mapuche, c’est une créature sacrée. Au Chili, il est présent sur tout le territoire, à l’exception de l’île de Chiloé et de la Terre de Feu, mais la Patagonie est connue pour abriter les spécimens les plus imposants. Attirées par cet animal mystérieux qui ne se laisse pas voir facilement, nous rêvions d’en apercevoir un au cours de notre séjour.
Les premiers jours, nous n’avons pas eu cette chance, malgré une attention accrue et un regard qui passait au scanner les paysages que nous avons traversés : bois, collines, formations rocheuses, plaines d’herbes jaunies… rien n’y a fait. Lors de notre première soirée dans le Parc National Torres del Paine, nous avons appris que deux pumas adultes avaient déambulé de nuit entre les passerelles et les bâtiments de notre hôtel quelques jours auparavant. Cela n’a fait qu’accroître notre envie de les voir de nos propres yeux.
C’est le lendemain que la chance nous souriait. Ce jour-là, accompagnées de nos guides Yara et Anaïs, nous enchaînons les rencontres animales, dont une, avec une femelle huemul (cerf andin). Cet animal, classé en voie d’extinction, est très rare au Chili et figure sur l’emblème national. En fin d’après-midi, nous nous approchons du secteur de la Laguna Amarga, où il se murmure que des pumas ont été vus à plusieurs reprises, lorsque nous nous retrouvons face à un petit troupeau de guanacos.
Quelques centaines de mètres plus loin, au détour d’un virage qui fait face au massif du Paine, nous rencontrons un rassemblement anormal à cette heure. Plusieurs véhicules sont garés le long de la piste, et une dizaine de personnes sont sur le bord du virage, certaines postées derrière des appareils photos aux objectifs professionnels, d’autres équipées de jumelles, et parmi elles, des gens qui parlent à voix basse dans leurs talkie-walkies. Tous les regards sont tournés vers une même direction : une paroi rocheuse située sur le côté de la piste, à plusieurs dizaines de mètres. Déjà, nous sentons monter l’excitation : il se passe quelque chose, et nous allons peut-être en être témoins. Yara, qui connaît toutes les personnes qui travaillent dans le parc se renseigne auprès de l’un des hommes équipés d’une radio :« Qu’est-ce qu’il y a ici ?
– Qu’est-ce que vous cherchez ? lui répond l’homme, énigmatique.
– On cherche un puma… dit Yara.
– Il y a quatre pumas cachés dans la paroi rocheuse » confirme-t-il finalement.
Il n’en faut pas plus pour que nous explosions de joie, mais en chuchotant évidemment. Ces personnes très bien équipées, ce sont en réalité des puma trackers. Leur métier consiste à suivre les pumas pour les étudier. Ils aident aussi des particuliers, des reporters, des chaînes de télévision à les observer dans les meilleures conditions et dans le respect de l’animal. Ils sont familiers des pumas qui peuplent le parc et ses environs et leur donnent des noms. L’un d’eux nous explique qu’il y a là quatre petits pumas âgés d’un an environ, et que leur mère, surnommée « La Rupestre », rôde un peu plus loin, avec un mâle. Nous sommes donc entre elle et ses petits. Il nous dit aussi qu’à un moment donné, la mère les appellera, et qu’alors ils traverseront la piste pour la rejoindre. Nous sommes donc idéalement placés pour les observer. La question qui se pose alors, est : quand la mère appellera-t-elle ?
« Cela peut être dans 5 minutes comme dans une heure », nous dit-on. Yara et Anaïs nous demandent si nous avons le temps d’attendre. Il se fait tard, et nous avons encore de la route à parcourir avant d’arriver à l’estancia Cerro Guido, notre prochaine étape. Nous échangeons un regard, et nous sommes toutes d’accord : on reste et on attend.
Le lendemain, au cours d’une marche qui nous mène à un promontoire rocheux haut de 200 mètres, nous découvrons des restes d’animaux victimes du puma. Séverine, notre guide à l’estancia, nous explique que la proie favorite de ce prédateur est le guanaco, mais qu’il chasse volontiers d’autres mammifères, reptiles et oiseaux. Les petits encore en apprentissage chassent quant à eux le mouton, cible facile dans la région. Elle nous dit aussi que son rôle est essentiel pour bon nombre d’espèces, qui passent après lui et se nourrissent des restes qu’il laisse : renard, condor, et autres charognards.
Arrivées au sommet, nous rencontrons Alfredo, l’un des membres d’une équipe de spécialistes qui réalisent pour l’estancia une étude sur les pumas. Celle-ci a pour but de connaître davantage l’animal afin de mieux le protéger. Selon Séverine, pour les estancias, l’enjeu est de taille car le puma cause des dégâts considérables dans les troupeaux de moutons, surtout lorsqu’une mère donne une leçon de chasse nocturne à ses petits. L’idée est donc de trouver des solutions pour éviter ces attaques, tout en préservant le prédateur.
En effet, le puma est une espèce protégée au Chili depuis les années 1990, ce qui a permis une hausse de sa population en Patagonie ces dernières décennies. Mais beaucoup d’éleveurs le considèrent encore comme leur ennemi et le traquent malgré la législation, pour défendre leur bétail. C’est pourquoi le Parc National Torres del Paine est pour l’animal un sanctuaire où il peut évoluer et se reproduire en sécurité. En Argentine, directement frontalière de l’estancia, il n’y a pas de législation nationale le protégeant et chasser le puma est toléré dans ces provinces de Patagonie.
L’estancia Cerro Guido a constaté que le puma attaque les moutons, mais beaucoup plus rarement les bovins, et dans certaines zones identifiées. Partant de ce constat, il a été décidé de faire paître les troupeaux de bovins dans ces zones à risque, et ceux de moutons dans des zones constatées plus sûres. Cela a considérablement limité les attaques. Une autre expérience payante a été mise en place : celle d’élever des chiens de berger au sein des troupeaux, de façon à ce que le chien pense être lui-même un mouton du troupeau. Cette technique développe chez eux une aptitude à protéger le troupeau et à le défendre face au danger.
À terme, l’étude menée doit pouvoir développer et présenter des procédés permettant de limiter les pertes de bétail liées au puma tout en le préservant.
Par ailleurs, cette étude révèle des éléments dans le comportement des pumas observés qui vont à l’encontre de ce que l’on pensait savoir d’eux jusque-là. Par exemple, la littérature spécialisée affirme que les petits restent avec leur mère durant les deux premières années de leur vie afin que celle-ci leur apprenne à chasser. Toutefois, il a récemment été observé chez les pumas de Patagonie qu’à plusieurs reprises, la mère ayant des chaleurs tous les ans ou tous les ans et demi, elle abandonne ses petits plus tôt que prévu. Ce comportement a deux conséquences directes. Premièrement, la reproduction est plus fréquente, donc la population augmente. Deuxièmement, les petits abandonnés plus tôt doivent terminer leur apprentissage seuls pour espérer survivre.
L’étude révèle également chez certains individus, des femelles notamment, une tendance à se regrouper, alors que le puma est considéré comme un animal solitaire qui ne se réunit avec ses congénères qu’à l’époque de la reproduction.
Ce jour-là, Alfredo a repéré une jeune femelle âgée d’un an, surnommée « Collarcita ». Il nous raconte l’histoire de ce puma. Elle est la fille d’une femelle appelée « Collar », en raison d’un collier qui lui a été posé il y a une dizaine d’années pour pouvoir étudier ses déplacements. La pose de ce collier, inadapté pour les pumas lui a laissé un traumatisme. Elle a donc élevé sa fille dans la crainte des humains. Collarcita fait partie de ces jeunes pumas abandonnés prématurément par leur mère, partie se reproduire à nouveau. C’est pourquoi elle évolue seule à présent.
Avec Collarcita, nous avons donc à nouveau la chance d’observer un puma ! Cette fois-ci, nous le faisons à travers la lunette d’Alfredo car elle est tapie sur le sol au pied de la falaise sur laquelle nous nous trouvons. Il nous dit qu’elle a fait des progrès, que quelques mois auparavant, elle ne se serait pas laissée observer même à cette distance. Nous ne nous lassons pas de la regarder.
Le lendemain, nous repartons en direction de Punta Arenas, et rejoignons Santiago trois jours plus tard. Ce voyage nous a permis non seulement de réaliser ce souhait de voir un puma à plusieurs reprises, mais il nous en a aussi appris beaucoup sur cet animal dont nous savions finalement que peu de choses. Le puma n’a visiblement pas fini de révéler ses secrets. Mais une chose est sûre, il n’est finalement pas si difficile à trouver et se montre volontiers à qui persévère à le chercher. S’il est désormais protégé au Chili, il reste la cible de certains éleveurs. Il est aussi victime de la destruction de son habitat dans des régions moins isolées que la Patagonie. Nous avons appris que de ce prédateur dépendent de nombreux maillons de l’écosystème, c’est pourquoi sa préservation est si importante. Nous rentrons de ce séjour, reconnaissantes et émerveillées, mais aussi conscientes du rôle de chacun dans la protection des espèces. Pour nous tous, voyageurs, cela passe notamment par le respect de son habitat naturel, et par une attitude calme et silencieuse si nous le rencontrons. Le Chili nous offre cette chance de pouvoir respecter l’animal dans son environnement naturel et ainsi parfaire ce décor patagon qui recèle encore de beaucoup de mystères.
Quant à nous, nous espérons les revoir très bientôt.
Anaïs Moreno Chabbert
Cet article est le dernier d’une série de 4 récits, écrits par 3 membres de notre équipe à la suite d’un voyage de reconnaissance réalisé en Patagonie australe.
Carnet pratique
Quand y aller ? Entre octobre et mars.
Comment s’y rendre ? : Parc National Torres del Paine : 4 heures depuis Punta Arenas, 1 heure 30 depuis Puerto Natales, et 3 heures 15 depuis El Calafat ; Estancia Cerro Guido : 4 heures depuis Punta Arenas, 1 heure 30 depuis Puerto Natales, et 3 heures 15 depuis El Calafate.
Un circuit ? Safari animalier en Patagonie
Diaporama
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